Beaucoup de lettres, et beaucoup de problèmes…
Comme promis, voici le détail sur le calvaire qu’a entraîné la confrontation avec ces deux monstres depuis presque un an.
Attention, article à rallonge !
Pour commencer, quelques définitions :
CPEMPN ou CEMPN, Centre Principal d’Expertise Médicale du Personnel Navigant.
Dans mon cas le CPEMPN de Percy, à Paris : un hôpital militaire dispensant les visites médicales d’admissions et les renouvellements d’aptitude pour les pilotes et les PNC (hôtesses, stewards), civils et militaires.
La visite d’admission prend environ une demi-journée et se compose de toute sorte d’examens médicaux.
CMAC, ou Conseil Médicale de l’Aéronautique Civile, autrement dit la branche médicale de la DGAC, Direction Générale de l’Aviation Civile. Ces derniers sont chargés de l’attribution des aptitudes médicales et des dérogations en cas d’inaptitude. Ils étudient les dossiers des demandeurs une fois par mois, et délivrent à l’issue les dérogations, surexpertises et autres joyeusetés.
Tout commence donc pour moi le 10 Mars 2009, puisqu’après 2 ans en tant que pilote breveté, je décide de passer la fameuse visite médicale Classe 1. A savoir que la règlementation Européenne délivre deux types d’aptitudes : la Classe 1 pour le personnel navigant professionnel, et la Classe 2 pour le personnel navigant privé. Je disposais pour ma part d’une Classe 2 déjà renouvelée à deux reprises.
Le jour J arrivant, me voilà dans cet hôpital rempli de militaires. Tout se passe à merveille, je suis en excellente forme, audition quelque peu fragile à cause d’une sombre histoire de coup de feu et de grenade quelques mois plus tôt… Cœur en parfait état, respirations normale, aucun problème en médecine générale, bref ça s’annonce pas trop mal !
Seulement dernier examen : la vue ! Ah la vue… « Mais tu as des lunettes tu ne pourras jamais faire pilote ! », combien de fois ais-je entendu ça ! A savoir que le port des lunettes est autorisé, dès l’instant où la correction assure une vision à 10/10. Je ne me fais donc pas particulièrement de soucis à ce niveau, et j’ai bien raison : l’examen est bon.
Seulement la vue est étudiée sous tous ses angles : vision de près/loin, couleurs, relief… Relief ! C’est là que ça coince, du moins sur le papier. Si ma vision du relief est bonne, il n’en demeure pas moins que j’ai ce que l’on appelle une diplopie, à savoir que je vois double puisque mes deux yeux ne fonctionnent pas ensemble… Euh soyons plus précis ! Je vois double dans le secteur extrême-gauche, si je fixe un point au maximum de la vision sur la gauche. Seulement voilà, c’est une cause d’inaptitude, et la sentence est sans appel : « Vous étudiez la physique ? Et bien continuez… », le docteur a su trouver les mots justes ce jour là. Après avoir rempli le formulaire de demande de dérogation, je ressors vers midi avec une inaptitude médicale Classe 1, et mes yeux pour pleurer (en l’occurrence, la dilatation de la pupille par 2 reprises lors des examens !).
Bon, inapte certes, mais une demande de dérogation est à l’étude, so wait and see, après tout je suis pilote privé, apte Classe 2, alors profite Arnaud !
Je profite donc sous la forme d’une heure d’instruction à la voltige, l’heure de vol la plus mémorable à ce jour. Mais je m’égare.
Un mois après, la décision du CMAC, le comité médical, arrive. Cette dernière est assassine : Le CMAC a non seulement décidé de refuser ma demande de dérogation, mais a de plus déclaré une inaptitude Classe 2 !
Petit coup de fil au CMAC pour quelques explications. La version des toubibs : Mon problème de diplopie, aussi faible soit-il, peut « entraîner une fatigue importante sur des vols de longue durée ». Ouais, sauf qu’en tant que pilote privé, je ne peux pas voler bien plus de 3h d’affilé… Et pourquoi cette inaptitude maintenant ? « Il y a correspondance entre les critères Classe 1 et 2 concernant la diplopie ». En gros, les examens médicaux Classe 2 ne sont pas assez poussés pour détecter ce genre de petit problème, seulement dans les textes, les critères sont les même à ce niveau. Mon problème ayant été détecté, cela me vaut l’inaptitude C1 et 2.
Les choses commencent à prendre une tournure assez désagréable, et il est temps de faire quelque chose si je ne veux pas enterrer définitivement ce beau rêve.
Après avoir effectué quelques recherches sur mon problème, lu quelques témoignages de personnes dans la même situation (nombreuses !) et reçu beaucoup d’aide d’une communauté très active, je commence des séances de rééducation pour mes yeux : l’orthoptie.
Un mois environ, une douzaine de séances et une vue corrigée de manière plus que correcte, et j’envoie un dossier au CMAC avec mes nouveaux résultats.
Un mois après c’est le même courrier : Inapte classe 1 et 2…
Beaucoup d’espoir pour une grande déception, et le rêve qui s’éloigne à grand pas.
Alors que je rends visite à mon cher aéroclub pour solder mon compte pilote (rien ne sert de laisser de l’argent qui ne sera de toute manière pas utilisé), je parle avec un instructeur qui a ce qu’on pourrait appeler de l’expérience (Lieutenant dans l’armée de l’air, pilote de chasse retraité en pilote de ligne et à présent instructeur dans notre aérodrome !).
Ce dernier me conseille d’aller voir mon médecin aéro, ce dernier m’ayant fait passer ma classe 2, et de lui demander de refaire un examen pour demander une dérogation classe 2 uniquement, il n’est alors même plus question d’espérer une Classe 1.
Le toubib en question constitue alors un dossier complet avec mes résultats d’orthoptie, un rapport attestant une aptitude classe 2 et la fameuse demande de dérog. Quelques semaines plus tard, la décision est la même : inapte classe 1 et 2, avec cependant une mention assez étonnante :
''Décision du 10/03/2009 modifiée : INAPTE CLASSE 1 ET CLASSE 2''
Ce qui veut dire, en gros, que la décision d’inaptitude est changée, mais que je suis quand même inapte ! Allez y comprendre quelque chose !
Le fait est que le CMAC veut que je passe une surexpertise à Percy pour confirmer les valeurs envoyées.
Chose faite en Octobre 2009, je retourne donc dans ce cher CPEMPN pour repasser l’ensemble des examens de la vision. Décision : Inapte C1 et 2 … Mais « dossier à représenter au conseil médical ». On m’informera au téléphone (une toubib charmante, moi qui était sur le point de pousser une gueulante !) que le conseil demande à ce que je repasse une visite 6 mois plus tard pour s’assurer que ma vision s’est stabilisé. En effet mes résultats leur ont plu cette fois-ci !
Seulement voilà, dans 6 mois, je serais à plus ou moins à 2 mois de mon départ pour le Canada (j’y reviendrais dans le prochain article), et ça ne m’arrange pas du tout !
Mais allez savoir pourquoi, je reçois une convocation, 2 semaines plus tard, pour une surexpertise à Percy en Décembre !
Cela me laisse peu de temps, mais je prends rendez-vous avec mon orthoptiste : il me faut des séances de rééducation avant cet examen, pour être au point ! Chose faite jusqu’à la veille dudit examen. Ce dernier se passe plutôt bien, le médecin me confirme que les résultats sont relativement les même que la dernière fois, donc ça sent plutôt bon.
Nous sommes donc en le 8 Décembre lorsque je passe cette visite, j’attends une réponse à la fin du mois… Mais le CMAC prend des vacances ! Donc la lettre n’arrivera qu’en Janvier.
Si la première décision d’inaptitude m’a donné l’impression de voir mon rêve courir loin de moi, la lecture de la décision de Janvier à eut l’effet d’un mur en pleine face ; '' APTE CLASSE 1 ET CLASSE 2 par dérogation'' (à y regarder d’un peu plus loin, ce mur portait l’inscription « Pilote »).
Voilà en résumé la bataille acharnée livrée contre la DGAC, que j’ai fini par remporter, après 1 an de rude combat !
Si ce « périple » fut nerveusement et moralement désastreux, il a aussi couté extrement cher. Une visite d’admission coûtant environ 400€, une surexpertise 100€, ajoutez à cela les innombrables allers-retours à Paris, les consultations orthoptique et accessoirement les coups de téléphone !
Vous me direz, et le Canada dans tout ça ? Et bien c’est venu en parallèle, mais par soucis de clarté dans un récit déjà complexe, je l’aborderais à part.